Valoriser et conserver : une vue panoramique de Strasbourg par Frédéric Piton 

Les fonds des bibliothèques s’accroissent continuellement, que ce soit par dons ou achats. L’acquisition reste cependant la première étape du processus. Commence ensuite le travail de l’atelier de restauration : celui de la valorisation du patrimoine en péril. C’est dans ce contexte que le dessin de Frédéric Piton est parvenu à l’atelier de la Bnu. 

Vue d’ensemble avant intervention

Dans le cas de ce dessin de 1840, les problématiques de conservation sont complexes. Finement exécuté, il a un intérêt historique évident : il représente un panorama de Strasbourg depuis la tour-porte de l’hôpital.  

Détail

L’identification matérielle suivie de l’examen technique de l’état ont permis d’évaluer la durée du traitement et ses enjeux : la technique d’exécution à la mine graphite rehaussée d’aquarelle est fragile ; le document de grande dimension est assemblé en plusieurs morceaux de papiers ; le dessin de forme elliptique était collé en plein sur de l’isorel en fibres de bois aggloméré et au pH acide. L’acidité de l’isorel a jauni le papier, portant atteinte à sa lisibilité et notablement mis en péril sa conservation. Son mauvais état matériel nécessitait une prise en charge répondant à deux objectifs majeurs : la valorisation esthétique et la stabilisation physico-chimique.  

À ces constats, des problématiques techniques et déontologiques sont apparues au cours du traitement notamment à la suite des tests de solubilité  infructueux sur l’adhésif de l’isorel : comment retirer l’isorel ? Quels sont les risques pour la technique graphique et pour l’assemblage des différents morceaux composant le support ? Quel est le seuil d’intervention du traitement appliqué dans un but de valorisation esthétique ? 

Retrait mécanique de l’isorel au verso

Ces décisions ont mobilisé l’ensemble de l’atelier ainsi que d’autres spécialistes notamment concernant les caractéristiques techniques de l’isorel et de son vieillissement.

Le décollage du panneau a été réalisé manuellement et à sec avec une gouge et un scalpel. Une opération chronophage puisqu’elle a nécessité plus de 150 heures de travail !

Afin d’atténuer le jaunissement du papier d’œuvre, s’est également posée la question du blanchiment. Cette opération à caractère esthétique visant à atténuer les taches et salissures du papier par un traitement chimique, est invasive et fragilise le support. Ce traitement, qui aurait redonné une lisibilité, présente un risque pour l’intégrité du dessin et n’a finalement pas été réalisé. Le dessin a fait l’objet d’un lavage très contrôlé dans de l’eau tempérée afin d’éliminer les produits de dégradation.

Nettoyage du dessin par immersion dans l’eau pour éliminer les produits de dégradation

Cela a ensuite permis son renforcement structurel par doublage en plein au verso avec un papier japonais. Après séchage en tension sur cadre sérigraphique et mise sous poids entre buvards et intissés pendant un mois, la dernière étape a consisté à combler les lacunes périphériques à l’aide d’un papier japonais préalablement mis au ton. Une retouche au crayon graphite poursuivant les traits manquants du dessin rend moins visibles les interventions de restauration et harmonise l’ensemble.

Enfin, l’œuvre a été montée sous passe-partout de conservation, réalisé sur mesure à l’atelier en raison de ses grandes dimensions, avec une carte de conservation à réserve alcaline. Une centaine de bandelettes en papier japonais ont été fixées au verso du document et sur le fond du passe-partout pour permettre une mise en tension du dessin.

Différents détails pendant le comblement des lacunes du papier (en haut) avec un avant (à gauche) et après traitement (à droite). Vue d’ensemble après intervention de conservation-restauration.

En définitive, la décision du traitement approprié est le résultat d’un compromis entre le souhait d’améliorer les qualités esthétiques du document et les impératifs de conservation. Il peut désormais rejoindre, dans cette exposition des 10 ans d’acquisition, les trésors de la Bnu.